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Oroubah  Dieb - Déplacement VIIOroubah  Dieb - Déplacement VIIOroubah  Dieb - Déplacement VII

Déplacement VII

Je vivais dans un beau pays où le soleil brillait et les gens avaient de la bonté.
J’ai travaillé 26 ans avec mon mari, on a réussi à avoir une notoriété lui en tant qu’artiste peintre et moi comme sculptrice.
A la suite, on a ouvert un institut des beaux-arts pour donner des cours de peinture et seramique et sculptures pour toutes les ages. J’étais la directrice et j’étais contente du travail accompli.
Et la guerre a commencé ! C’était surprenant on ne pensait pas que les gens allaient contester la politique menée. Et c’est là où mon pays a commencé à changer.
J’ai trois filles. Quand elles sortaient pour aller à leurs écoles, je restais stressée et inquiète jusqu’à ce qu’elles reviennent.
A Damas on était loin des bombardements mais je ne me sentais pas en sécurité.
En 2012, nous sommes partis au Liban et là- bas j’ai senti que je ne pouvais plus retourner en Syrie, j’ai proposé à mon mari de louer un appartement pour deux mois en attendant que les choses se calment. On est retourné à Damas et nous avons pris quelques valises et nous sommes partis.
J’ai décidé d’inscrire ma fille à une école à Beyrouth alors que les deux grandes se préparaient à partir en France.
J’ai décidé de tout laisser derrière moi avec beaucoup d’amertume et tellement de colère et de tristesse que je me suis lancée dans l’incertain. Le fait d’être au Liban m’a permis d’aller de temps à autre à Damas et à chaque fois ma conviction du départ se renforçait. Mais comment pourrai-je quitter le pays dans lequel je suis née, j’ai grandi et j’ai réalisé tous mes rêves. C’est comme ça que j’ai décidé de partir, le cœur brisé et une tristesse qui se niche dans chaque cellule de mon corps. Que dois-je emporter avec moi des centaines de photos et mes souvenirs qu’est-ce que j’en fais ?
J’ai décidé de ne pas trop réfléchir car sinon je ne partirai jamais et je ne pourrai jamais vaincre cette douleur lourde qui m’envahie.
Partir mais sans âme parce que je l’ai laissée en Syrie.
J’ai choisi le Liban parce qu’il n’y avait pas la barrière de la langue et puis j’aimais Beyrouth et c’était moins dur parce que je connaissais les lieux.
Il y a une très forte colère en moi que mon pays ait été détruit, des gens morts, déplacés.
Tout un patrimoine détruit. Le berceau de l’humanité.
Ma colère s’est de plus en plus manifestée quand je me suis exilée. J’ai vu la colère, la misère, les personnes déplacées, et j’ai rencontré des gens qui ont vécu des choses extrêmement douloureuses. Je savais que cela existait mais de loin c’était abstrait. J’ai fait de la sensibilisation, de la prévention auprès des femmes, pour les informer sur les moyens contraceptifs, sur leurs droits. Je me suis rapprochée de ces femmes, mes compatriotes. Beaucoup d’entre elles avaient beaucoup de complications car le système de santé payant est hors de leur portée. Nombreuses sont mortes en couches, aux portes des hôpitaux libanais, par manque de moyens, d’accès à la santé. Il faut savoir que les droits des réfugiés au Liban ne sont pas les mêmes qu’en Europe et en France.
Je faisais des ateliers d’arts plastiques avec les enfants, avec les adultes aussi. J’organisais des expositions. Le contraste était énorme entre les couleurs vives de leurs œuvres et leurs cœurs meurtris.
Cette colère grandissante, c’est plutôt le mot volcan. Le volcan en éruption qui me vient si je sonde mon âme.
Avec d’autres femmes syriennes, nous organisions des collectes de nourriture, des vêtements, des médicaments. Malgré tous ces efforts, ce ne sont pas des solutions. La solution c’est la paix et le retour au pays.
Puis nous sommes arrivés avec ma famille en France, et c’était aussi la grande inconnue avec tous les problèmes de l’Exil : la méconnaissance de la langue, le manque de travail, de statut. C’était compliqué et ça le reste.
Depuis mon départ, je me suis mise à peindre tous ces déplacements des gens, comme une obsession qui ne me lâche pas. C’est ce qui m’habite depuis.
N’ayant plus de moyens ni d’endroit pour travailler le bronze, de sculptrice de mon état, je suis passée aux formats mobiles, toiles et collages, techniques mixtes. Mon propre déplacement a changé ma technique d’expression. Avant je travaillais la terre, le plâtre, le silicone et le bronze, depuis je me suis vraiment mise à la peinture et aux installations. Les formats sont devenus plus petits. Mes anciens travaux derrière moi. Désormais je peins toutes ces femmes et ces hommes qui partent contraints et forcés, sans visages. Les femmes de mes peintures sont habillées avec des couleurs chatoyantes. Elles portent les costumes traditionnels des régions. Ces couleurs représentent la Syrie profonde, ce berceau de l’humanité détruit.
Couleur et silence, quel contraste ! Plus il y a de la tristesse et de la colère plus on devient silencieux tellement la douleur est forte. C’est ce que j’essaye de traduire dans ma peinture.
Ici en France, je continue l’entraide. Je participe à des actions de solidarité, d’apprentissage de la langue, d’informations sur les droits ainsi qu’à des ateliers de théâtre et de danse, et à des moments de partage et de convivialité. C’est ce qui nous reste, nos bras, nos cœurs, notre conscience, notre dignité.
Je ne connais pas mon devenir ni si je pourrai continuer à bénéficier de l’espace qu’on me prête, où j’ai pu peindre les tableaux que j’exposerai pour Générations Colère. Tous, absolument tous parlent du Départ. 
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My work reflects my personality, my culture and my country especially in these hard times.

The colours of textile, women clothes, carpets and old walls in my homeland inspired my works.

Many of my pieces depict Syrians displacement, which was a personal theme also, when you leave all you have built to a journey into the unknown.

1989 graduated from Adham Ismael center for plastic arts in Damascus
1991 graduated from Institute of Applied Arts, sculpture department, Damascus
1991- 2011 participated in the annual exhibition of the Syrian artists, under patronage of Ministry of Culture.
1997 joint exhibition with 3 sculptors in Ishtar gallery, Damascus
1998 solo exhibition in Shoura gallery in Damascus
1998 the prize of the Arab women and development forum
2002 the youth exhibition, Ministry of Culture, Damascus
2003 monument in Damascus International Fair
2004 joint exhibition with artist Hammoud Shantout in Art Form gallery, Montréal, Canada.
2004 opening an art center in Damascus, conducting courses for children and adults
2006 joint exhibition in Baladna gallery, Amman, Jordan
2007 joint exhibition for Basma, children with cancer support association, in Washington, USA.
2009 five artists from Syria exhibition in Marina, Kuwait
2009 solo exhibition in Kamel gallery, Damascus
2011 joint exhibition with Hammoud Shantout in Platinum Tower gallery, Beirut, Lebanon
2012 volunteer in art workshops with Syrian refugees children in Lebanon
2013 joint exhibition with H.Shantout in The Avenue gallery, Beirut, Lebanon
2014 joint exhibition in lamiatus gallery, Dubai
2016 volunteer in art workshops with Syrian refugees children in France in cooperation with the American university in Paris
2016 participated in 100 Etablissement Culturel Solidaire exhibition
2016 joint exhibition in Centre Cerise, Paris
2017 participated in exhibition in woman and cinema festival, Creteil, France
2018 participation in The 18th arrondissement festival in Paris
2018 exile visions festival in Paris
2018 Artists without borders symposium, Nuremberg, Germany
2018 Saint Brieuc artistic residency, France
2018 Joint exhibition, Réflexion Galerie ,Steinfurt
2018 Joint exhibition, Stories Art gallery, London
2018 Josor Art auction, New York
2018 Taalim  Art auction Dubai 2018
2019 Les artistes de derrière la porte, Rouen
2019 Un capture beauty, Joint exhibition, Paris

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